OM Olympique de Marseille

2004, Interview de José Anigo

"José, n'avez-vous pas l'impression, au fond, que votre spontanéité vous a joué des mauvais tours ?
Moi, je ne regrette rien de ce que j'ai fait ou dit.
Je ne suis pas du genre à m'accrocher à tout prix à un poste, car je ne suis pas un carriériste.
L'année dernière, pendant notre parcours en Coupe d'Europe, je me disais déjà qu'à un moment donné arriverait forcément le pire après ce meilleur.
Je ne savais pas quand, mais je savais que ça allait arriver, surtout dans un club comme celui-là.
J'ai aussi été tenté d'arrêter en mai dernier sur cete finale, pour finir sur le meilleur avant que Didier (Drogba) me convainque de poursuivre.
Mais j'avais toujours à l'esprit cette interrogation : "Comment je réagirais en plein tempête ? " Maintenant, je sais.

Comment en être-vous arrivé à proposer votre démission ?
Tout est parti de notre manque de réaction en seconde mi-temps face à Paris lors du match au Parc (1-2).
D'un coup, je ne me reconnaissais plus du tout dans cette équipe. Tout ce que j'essaie de leur transmettre -la hargne, le combat, la solidarité, le dépassement-, il n'y avait plus rien.
Alors, oui, c'est vrai, je me suis senti un peu abandonné de tous et surtout habité par un énorme ras-le-bol.
Cette démission ne sonnait-elle pas comme un terrible aveu d'impuissance ?
Mais qu'est-ce que je pouvais faire d'autre que de poser ma démission le soir de notre élimination face à Paris en Coupe de la Ligue ?
"Je n'avais pas le choix.
La faute n'incombait pas à Christophe (Bouchet) ni à Pape (Diouf), mais bien à l'équipe qui avait mal joué.
Comme je suis le responsable de cette équipe, il me semblait logique de payer pour les mauvais matches.
Attention, il n'y avait rien de calculé dans ma démarche.
Lorsque je présente ma démission, ce n'est pas pour que l'on me retienne, mais bien parce que je crois être le fautif de cet enlisement. J'avais honte de moi.
Comment le groupe a-t-il vécu ete remise en cause ?
Je crois que ma décision a agi auprès de tout le monde comme un déclencheur, une prise de conscience. On s'est tous rendu compte qu'il fallait réagir, les joueurs, mon staf, les dirigeants. La réaction de tout le monde m'a finalement donné beaucoup de forces.
Demander à quitter le navire lorsque la tempête s'annonce : ne s'agit-il pas là d'une attitude un peu lâche ?
J'ai certainement un paquet de défauts, mais pas celui de la lâcheté ! Je crois même avoir un peu de courage. Car je pense qu'il en fallait pour descendre samedi dernier dans cette arène hostile du Vélodrome.
Les joueurs ont été magnifiques.
Peut-être pas dans le jeu, surtout en première mi-temps où nous étions tétanisés.
Mais dans le comportement. Ils ont fait face, comme des hommes. J'étais fier d'eux.
Ils ont tous montré qu'ils avaient du cran et qu'ils étaient toujours capables d'aller décrocher une des trois premières places en fin de Championnat.
Cet épisode n'a-t-il pas prouvé que votre approche, trop affective, s'accommodait mal du haut niveau ?
C'est vrai que je dois certainement encore beaucoup travailler ma sensibilité qui dicte encore trop souvent ma conduite.
Si je veux durer ou exister dans cette fonction, il va falloir que je me blinde un peu et que je tente de maîtriser ma sensibilité. Il ne faut pas que mes origines soient un handicap.
Car je suis conscient que ma faiblesse est sans doute de trop aimer mon club.
Durant ces quelques jours de flottement et d'agitation, quel est le message de soutien qui vous a le pls touché ?
Forcément, j'ai eu Didier (Drogba).
J'ai d'ailleurs gardé son message.
Il me disait "Oh, Anigo, tu fais quoi là ? T'es fou. Il ne faut pas arrêter, hein ! "
En quelques mots, je retrouvais toutes sa force de persuasion et de conviction.
Evidemment quand on réfléchit ce genre d'encouragement aide à se décider.
Pensez-vous que cet épisode laissera des traces au sein du groupe ?
J'espère qu'il servira de révélateur et qu'au mois de mai on sera tous en train de rire de tout ce qui s'est passé en novembre.
A l'époque des Minots