OM Olympique de Marseille

Coupe de France 1943 l'OM bat Bordeaux 4 à 0

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Au stade Yves du Manoir de Colombes, deuxième édition de la Finale de la Coupe de France qui oppose les Marseillais aux Girondins
(la première finale s'était déroulée le 9 mai 1943 sur le même stade avec un score de 2-2).

PS Images des Autorités de Vichy
22 Mai 1943 Stade de Colombes
OM Bordeaux 4 à 0 ( 1 - 0 )


Arbitre  Mr Sdez, 32500 spectateurs
Buts Aznar (32e et 62e), Dard (56e), Pironti (78e)
OM Delachet - Patrone, Gonzales, Veneziano - Bastien, Olej - Dard, Scotti, Aznar, Robin, Pironti.
Bordeaux Gérard - Homar, Normand - Ben Ali, Mao, Ben Arab - Rolland, Pruvot, Urtizbera, Persillon, Arnaudeau
Le début du match, joué au Parc des Princes devant 32.500 spectateurs (recette record : 1.207.000 francs), ressemble étrangement à la rencontre du 9 mai.
Les Marseillais rapides, athlétiques, tout de suite en action et attaquant en profondeur, débordent de nouveau la défense bordelaise, qui accumule les erreurs de frappe de balle, les fautes de placement, et qui s'abandonne au jeu le plus in-coordonné qui soit : demis et arrières courent dans tous les sens, en se gênant mutuellement et en livrant le champ libre à l'adversaire.
A la 3e minute Normand laisse rebondir et filer vers le but un ballon qu'il aurait pu reprendre, mais qu'il préfère confier à la vigilance et à l'arrêt de son gardien.
Mais Gérard se tient comme pétrifié sur sa ligne de but et le point serait acquis sans mal ni lutte par les Marseillais si le ballon ne heurtait le montant droit, qui le repousse !
Redoublent alors d'intensité les échappées dangereuses de Dard et de Pironti, les deux ailiers : les dribbles et les tirs d'Aznar, l'avant centre,dont un sur la barre transversale ; le tout en six ou sept minutes de match !
A la 8e minute, Pironti se démet la clavicule au cours d'une collision au sol avec Gérard qui, plonge sur le ballon : il sort un moment du terrain et voilà les dirigeants marseillais consternés..
Toutefois, la domination de l'O.M. n'est pas pour autant compromise : à la 15e minute, une faute de mains commise, instinctivement sans doute, mais volontairement aussi, dans la surface de réparation, par Normand qui n'a pas réussi jusqu'ici à remplacer définitivement ses habitudes de joueur de rugby par les réflexes du footballeur. L'arbitre M. Sdez n'accorde pas le penalty, Robin s'étant emparé du ballon pour ne rater le but que d'un rien.
Si l'unique point de la première mi-temps est obtenu par Aznar à la 32e minute seulement, c'est que l'heure n'a pas sonné où la défaite girondine tournerait en déroute et presque en débâcle.
Les signes avant-coureurs de la victoire phocéenne se multiplient cependant, en même temps que le spectre de l'échec bordelais apparaît en surimpression dans l'atmosphère passionnée du stade.
Si les Marseillais avaient mené à la mi-temps par 4-0 nul n'aurait crié au scandale.

Qu'ils gagnent finalement par cette marque de 1-0 est à peine équitable : une différence de six ou huit buts serait aussi justifiée.
Il faut bien qu'ici nous donnions l'explication du résultat, le plus lourd enregistré depuis qu'existe la Coupe de France. Le motif tient en quelques mots : il n'y eut, samedi, au Parc des Princes, qu'une équipe sur le terrain.
On disait, au quartier des coureurs du Parc, après la rencontre : Aznar et Bastien, si ternes le 9 mai, se sont montrés aujourd'hui sous leur vrai jour.
On déclarait aussi que l'équipe de l'O.M. s'était présentée en meilleure condition athlétique que pour la première finale, et avec un moral bien supérieur, une unité de volonté plus complète.
Or, l'arrière Gonzalès n'était pas entièrement rétabli du coup qu'il reçut de Ben Ali, le 9 mai, juste sous le genou, et vous savez que le redoutable ailier gauche Pironti eut la clavicule droite démise au bout de huit minutes de match.
Cet accident n'empêcha pas Pironti de tenir honorablement sa place, d'effectuer des passes et des centres très habiles et de marquer un superbe quatrième but, alors que le 9 mai, une fois son magnifique tir des premières minutes réussi, il ne parvint plus à accomplir d'exploit.Quant à l'esprit d'équipe, comment voulez-vous qu'il ait été cultivé et exalté, puisque Gonzalès et Bastien restèrent à Paris pendant la quinzaine de l'entre-deux-finales ?Je crois, en définitive, que l'O.M. a été égal à lui-même : qu'il a joué son jeu normal : la guérison incomplète de Gonzalès ainsi que la blessure à l'épaule de Pironti ne l'ont pas empêché de surclasser les Girondins.
Les Marseillais renouvellent dans l'ensemble, samedi, leur match du 9 mai. Leur action est incisive, perçante, vigoureuse : dribbles, passes, déplacements de jeu, tirs sont exécutés à vive cadence et avec force. Malgré le vent, le ballon est plus facile à contrôler parce que le terrain a cette fois été arrosé et la pelouse excellemment assouplie. A l'allant des Marseillais, les Bordelais répondent par une carence totale, on dirait que, sauf Normand, Ban Arab, Arnaudeau et Urtiz ils ne peuvent mettre un pied devant l'autre.
Comme leur capitaine Gérard immobilisé sur sa ligne de but, ils semblent incapables de se déplacer et leur marquage, d'ordinaire compensé par la mobilité de course et la vitalité de jeu, tombe à zéro. Lorsque Aznar déclenche à la 32e minute, après une passe courte et simple de Pironti, un shot terrible qui troue les filets, il n'a, autour de lui aucun opposant dans un rayon de cinq ou six mètres,
. Pour le deuxième but, à la 56e minute, l'ailier droit Dard n'a qu'à passer Normand pour se trouver immédiatement en position de tir, loin d'adversaires immobilisés.
De même, Aznar, quand il marque, d'une admirable volée du gauche, le troisième but à la 64e minute, sur passe de Dard, dispose de la plus entière liberté d'évolutions.
Enfin Pironti, à l'instant où il place le quatrième but, vers la 80e minute, de nouveau sur passe de Dard, occupe une position si confortable qu'il commence à lever les bras d'allégresse avant même que le ballon ait pénétré dans les filets !
Les Marseillais ont été de grands vainqueurs. Ils se sont comportés en joueurs de division nationale devant des adversaires médusés de seconde division, et leur triplette d'avants de pointe a pratiqué le football de plus incisif, le plus moderne, le plus efficace que l'on puisse souhaiter. .
Les joueurs:
Aznar, Dard et Pironti évoluent et agissent en vainqueurs, comme à la parade. En quelques secondes et après une dizaine de foulées, ces trois hommes installés en maîtres dans le camp girondin se placent ou mettent leurs partenaires en position de tir.
Aznar, s'il était le moins du monde servi par la chance, marquerait trois ou quatre buts de plus
En style, de son allure souple et bien équilibrée, il dribble ou il se prépare au shot, qui est aussi dur et aussi pur des deux pieds. Son match de samedi lui donne la première place, actuellement, parmi les avants centre français.

Dard, qui avait joué "tout fou", il y a quinze jours, est, samedi, le grand préparateur, le meilleur serviteur et un bon réalisateur de la victoire marseillaise. Il fait marquer deux buts et il en obtient lui-même un, à un moment capital. Car les Marseillais ont bien veillé à ne plus commettre l'erreur du 9 mai lorsqu'ils menaient avec deux buts d'avance : Dard n'est pas bien en ligne quand il court : mais il va très vite toute en contrôlant à merveille son ballon et l'adversaire n'a pas le temps de se préparer à la défense que déjà il est passé.
Pironti, il y a quinze jours, avait donné l'impression d'être douillet d'une part, mauvais observateur de l'autre : d'avoir trop pensé à son genou et pas assez au genou de Homar. Avant-hier, son épaule tombante semble avoir eu pour effet de lui imposer un jeu sobre, précis, impersonnel et fort utile à ses coéquipiers de l'attaque. Que Ben Ali valide n'ait pas réussi à neutraliser ni même à inquiéter Pironti prouve simultanément la méforme du noir Bordelais et la classe du Marseillais
Derrière trois avants de pointe, faisant montre d'une valeur irrésistible, l'allure est difficile à soutenir et la comparaison malaisée à supporter, pour deux jeunes intérieurs Robin et Scotti libres de tout marquage, jouent honnêtement sans attirer autrement l'attention.
Aznar en avant, Bastien au milieu et Gonzalès à l'arrière sont les piliers de l'édifice marseillais. Olej confirme le sérieux de son application et de son jeu ; il relègue dans l'ombre et dans les zones de ballon mort l'ailier opposé Rolland et il ne dédaigne pas de passer à l'attaque, jusqu'à doubler Pironti. Venezziano est, comme le 9 mai, courageux et effacé.
Gonzalès, pourtant handicapé, prend dès l'abord l'ascendant sur les avants bordelais et il écarte sans mal tout danger et même toute lointaine menace. Son expérience et sa maturité de jeu déteignent sur son partenaire Patrone qui, malheureusement, s'abandonne à des brutalités inutiles, avec d'autant moins de raison que sa taille, son poids et sa décision imposent le respect
Scotti est à l'origine du deuxième but obtenu par Dard. Robin tente de rééditer le tir de loin qui se traduisit par le second but de Marseille, le 9 mai, mais exceptionnel a justement pour caractère de ne pouvoir être aisément renouvelé....
Bastien, malgré plusieurs erreurs de conduite du ballon, déploie une activité défensive et dépense, principalement sur remise en jeu de la touche, une ardeur offensive qui lui donnent une autorité s'imposant aussi bien à ses adversaires qu'à ses coéquipiers .
Le gardien Delachet, qui n'a rien ou presque rien à faire qu'à porter la Coupe après le match et pendant ce tour d'honneur qui n'ajoute rien à la gloire de l'équipe, ne commet aucune erreur durant les trois seules phases de jeu qui nécessitent son intervention. Les esprits superficiels ont beaucoup daubé, il y a quinze jours, sur le compte de ceux qui, comme nous, affirment que le vrai jeu d'équipe comporte une organisation d 'action et un placement des joueurs.
Voyez les clubs de Marseille et de Bordeaux, déclaraient-ils ; ils jouent bien et ne s'embarrassent pas de systèmes !Voire !
L'O.M., s'il ne pratique pas le M en défense, utilise en attaque un W exemplaire, et je pense que l'équipe serait plus forte encore avec deux arrières jeunes et rapides, capables de s'éloigner sans risques du centre du terrain.Les Girondins nous ont montré samedi à quel niveau extrêmement bas tombe une équipe jouant sans méthode, lorsque les joueurs sont fatigués ou hors de forme.
Le succès de Marseille a fourni une nouvelle occasion de comparer la valeur du football Sud à celle du football Nord.
Gardons-nous de donner dans ce travers des confrontations inopportunes.
Pour nous, il n'y a qu'une France et des équipes qui jouent bien d'autres qui jouent mal.