OM Olympique de Marseille

Dimitri Payet s'exprime dans Le Monde


Chapeau à toi Dimitri, tout est dit!!!
Le meneur de jeu de l’Olympique de Marseille, victime d’un nouveau jet de bouteille lors d’un match contre Lyon, le 21 novembre, dit son exaspération devant l’inertie des instances professionnelles face à la violence dans les stades. Alors qu’une réunion interministérielle doit se tenir jeudi 16 décembre, il les appelle à prendre leurs responsabilités

Dimitri Payet:
"Depuis la reprise du championnat de Ligue 1, des scènes de violence se multiplient dans les stades. J’en ai été la victime la plus médiatisée, même si je ne suis pas le seul à avoir été agressé d’une façon particulièrement lâche et inacceptable. Je tiens à dire que si j’ai souhaité écrire cette lettre, ce n’est pas pour une histoire de communication ou à la demande du club. Il n’y a ni vice ni calcul de ma part, je n’ai pas la volonté de mettre la pression sur quiconque, je m’en fous de ça, d’autant que je n’ai plus aucun intérêt personnel dans cette histoire. Je veux juste essayer d’apporter un point de vue.

Car je reste quand même la première victime des incidents de Nice et de Lyon [lors d’un match à Nice, le 22 août, Dimitri Payet avait reçu une bouteille d’eau dans le dos, et un supporteur avait tenté de le frapper ; à Lyon, un supporteur de l’Olympique lyonnais lui a lancé une bouteille sur la tête], ce qui me donne un peu de légitimité. J’aimerais que la réunion interministérielle sur la violence dans les stades [prévue jeudi 16 décembre] ne soit pas sans lendemain
."

Une forme de démission collective
"Je ne vais pas refaire le match de la commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP), on a tout entendu avant, pendant et après. Je veux rester digne, contrairement à ceux qui ont fait allusion au fait qu’après tout, je ne devais pas être « si blessé que cela ». Ou encore, et ce sont parfois les mêmes, ceux qui voulaient que je reprenne ma place sur le terrain après avoir pris une bouteille en plein visage. En fait, j’ai été autant blessé par la bouteille que par l’impression d’être le responsable des violences et de l’arrêt du match. Je dis stop ! Y en a marre. J’en ai marre que chacun mette son grain de sel sans apporter le début d’une solution. Désolé, mais il faut le dire, ce n’est pas le préfet qui se trouve sur le terrain, ni le procureur, ni le délégué de la Ligue, ni les présidents de Nice, de Lyon ou de Marseille. Ce sont les joueurs, c’est nous qui morflons. Et en l’occurrence, c’est moi qui tire les corners. Je dois arrêter de les tirer ? Arrêter de jouer ? Dites-moi.

Je suis surpris que les acteurs – le gouvernement, la ligue, les clubs – n’assument pas un peu plus leurs responsabilités. C’est une forme de démission collective insupportable. J’aimerais une responsabilité collective raisonnable. J’aimerais être considéré avant tout comme un joueur qui aime le jeu, le geste et la beauté de ce sport. J’aimerais pouvoir défendre mon idée du football sur toutes les pelouses de France sans me poser de questions, sans craindre de croiser le regard ou le geste de la haine. Nous aimons le football parce qu’il est ce qui nous unit. Ne nous divisons pas parce que nous portons les couleurs d’un club. Le football doit s’élever, notre Ligue 1 est belle.
"

Etre solidaires entre joueurs
"Lorsqu’il s’agit de notre sécurité, j’aimerais que l’on oublie nos appartenances, qu’il n’y ait ni maillot, ni fanions, ni couleurs. J’aimerais être considéré comme un être humain qui joue au foot, qui aime ce sport par-dessus tout, et qui vit pour et par le foot. On ne peut pas continuer comme ça. J’entends des choses dégoûtantes, comme par exemple des propositions visant à remplacer le joueur qui serait victime d’une agression pour reprendre le match coûte que coûte. Mais c’est de la folie pure ! C’est la porte ouverte à tout.

Que les donneurs de leçons viennent jouer cinq minutes dans un stade en feu et arrêtent de parader en tribune présidentielle. C’est comme ceux qui font la morale aux combattants qui montent sur un ring. Les joueurs, c’est nous, si on ne se sent pas protégés, on ne peut pas jouer.

Voilà ce que j’aimerais : au prochain incident, quel que soit le stade et y compris l’Orange Vélodrome[stade de l’Olympique de Marseille], je voudrais voir les deux capitaines, les deux entraîneurs se réunir dans le rond central et décider de ne pas reprendre. C’est aussi aux joueurs désormais de prendre leurs responsabilités. Je sais que cela va faire blêmir les dirigeants de clubs, ceux du foot français et les diffuseurs, mais j’aimerais que cette idée fasse son chemin parce que ça suffit ! J’attends que les joueurs soient plus solidaires entre eux, quel que soit le club dans lequel ils évoluent.

Le racisme et les actes de violence ont cela en commun qu’ils sont le fruit d’une intolérance à l’autre. Je pense qu’il faut combattre tous les comportements honteux qui vont dans ce sens. Si personne ne prend ses responsabilités, ce sera aux joueurs de le faire. Et mon discours est et restera le même, qu’il s’agisse de Neymar, de Payet, de Mpasi [gardien de but de Rodez, victime d’insultes racistes à Toulouse lundi 13 décembre] ou de n’importe quel autre joueur victime d’une agression en faisant son métier : jouer au football.
"

Dimitri Payet, international de football,Olympique de Marseille