2 Juillet 2000 France bat Italie 2 buts à 1 (0-0, 1-1)
Stade Feyenoord Stadion, Rotterdam
Arbitre Anders Frisk (Suède)
Buts 55eme Marco Delvecchio , 94eme Sylvain Wiltord, 103emeDavid Trezeguet
France Barthez - Thuram, Blanc, Desailly, Lizarazu (Pirès 85eme)- Vieira,
Deschamps, Djorkaeff (Trezeguet 76eme), Zidane - Dugarry (Wiltord 58eme),
Henry
Entraîneur : Roger Lemerre
Italie Toldo - Cannavaro, Nesta, Iuliano, Pessotto - Albertini, Di Biagio
( Ambrosini 66eme), Maldini, Totti, Fiore ( Del Piero 53eme), Delvecchio
( Montella 86eme)
Entraîneur : Dino Zoff
Christian Vella L'Année du Football
Ils l'ont fait. Ils l'ont réussi... Après avoir conquis le monde il y a
deux ans, ils ont mis d'Europe à leurs pieds.
Exploit sans précédent dans l'histoire du football.
Pour cela et pour tout ce qu'ils nous ont fait vivre, les Bleus sont devenus
des héros.
Demain, leur légende colportée à tous les coins de l'univers deviendra
forcément un mythe et ces demi-dieux de la balle ronde susciteront tant
d'envie qu'on fera en sorte de les imiter, avec l'espoir d'atteindre cette
dimension qui les a installés pour un bon bout de temps sur le toit du
monde.
Dans dix ans, dans vingt ans... dans cent ans peut-être, leur exemple sera
resté inégalé, et les générations futures s'en souviendront alors comme
des être inacessibles, sortes de génies au palmarès incomparable.
Ce ne sont certes pas les plus doués, les plus talentueux non plus, mais
ils auront eu la faculté de fondre la somme de toutes leurs spécificités
dans le moule de la collectivité pour créer, par on ne sait trop quelle
alchime, l'équipe le plus solidaire, la plus courageuse, la plus motivée
de la planète.
Sa force mentale n'a jamais eu d'équivalent, la foi dans ses moyens est
telle qu'elle ne semble jamais disposée à courber l'échine et c'est souvent
au plus chaud d'un combat qui dessine les contours de la déblâche qu'elle
parvient comme par miracle à forger les armes de son salut.
Elle croit si fort à on invincibilité que l'adversaire s'en persuade à
son tour, perdant ainsi tous les moyens qui lui avaient permis jusque-là
de la contraindre à se défendre.
Solidarité, courage, volonté, altruisme sont les vertus cardinales d'une
sélection à nulle autre pareille.
Et elle qui puise dans son interminable chapelet de victoires le ciment
de toute son aventure a su parler aux hommes comme à un seul pour leur
faire admettre le credo de sa grandeur. Devenue une formidable machine
à gagner, elle a sans doute gravé dans la mémoire collective des siens
le sens du devoir et du don de soi, qui fait qu'elle est convaincue aujourd'hui
qu'elle ne sait plus perdre, qu'elle ne peut plus perdre.
Souvenons-nous simplement de cette finale de l'Euro, contre l'Italie.
Sur le terrain de Rotterdam, celle-ci a cadenassé la partie dans chaque
recoin du jeu.
Ses guerriers sont vaillants et rompus à ce genre de combat d'arrière-garde.
A dix, ils en ont fait encore une brillante démonstration contre les Pays-Bas
en demi-finale. Cette fois, ils sont d'autant plus déterminés que le but
réussi par Delvecchio à la 55e minute leur donne l'illusion qu'ils pourront
durer jusqu'au bout en érigeant des barricades autout de Toldo.
Leur gardien est immense et paraît imbattable.
Bref, les nôtres piétinent dans cette guerre de tranchées qui ne convient
ni à leurs moyens ni à leurs capacités. Ils préfèrent le mouvement.
Et là, l'âpreté du combat les en prive. Mais ils n'ont pas la trouille.
Cela se voit, cela se sent. Et pourtant le temps passe. Le match se meurt
dans les méandres d'une fin de règne...
Soudain, Wiltord surgit du bout de la nuit, du bout de cette rencontre
qui n'en finit pas de durer...
94e minute, Fabien Barthez a dégagé un coup franc du fin fond de son camp.
De sont crâne pointu, David Trezeguet dévie la balle par-dessus l'épaule
d'un Cannavaro qui n'en peut plus. Et voilà que Wiltord s'en empare, d'abord
de la poitrine, puis au bout de son pied gauche, pour armer une frappe
insignifiante mais une frappe qui atteint son but...
Toute l'équipe, derrière son "banc" avec Dino Zoff était prête
à célébrer ses héros comme les tombeurs des champions du monde.
Mais l'Italie doit se rasseoir et mettre un mouchoir dans sa poche par-dessus
ses illusions.
Elle a un genou à terre.
L'égalisation de Wiltord dans les ultimes secondes de la partie à quelque
chose de pathétique et le fantastique à la fois.
Wiltord, le remplaçant... comme Trezeguet, comme Pires.
Trois de la légion tricolore, trois rentrants et trois qui vont faire la
différence, Chapeau M. Lemerre !
Le camp français est gagné par une excitation contagieuse. La nuit est
magique. Une nuit comme on n'en vit qu'une seule durant toute une existence.
Et l'Italie accuse le coup. La prolongation nous offre une Squadra au bord
de la déprime collective.
Elle est définitivement atteinte et les Bleus le sentent en dépêchant Pires
sur le côté gauche, où Cannavaro, à bout de souffle, à bout d'illusions,
broute le gazon.
Le centre du Français est téléguidé vers David Trezeguet, qui ajuste une
volée délicate mais parfaite. Toldo n'y peut rien. L'Italie est battue
par ce but qui vaut bien de l'or, et la France est au paradis