5ème journée
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Stade
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19 septembre 1937
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SOCHAUX
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1-2
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MARSEILLE
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FACZINEK (**')
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ZATELLI (9'), AZNAR (65')
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Mr LECLERCQ
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12 000
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F. C. Sochaux : DI lorto, Cazenave, Mattler ; Lalloué, Szabo, Lehman, Gougain, Fascineck, Courtois, Abegglen, Korb.
O. Marseille : Vasconcellos ; Ben Bouali, Conchy ; Bastien, Bruhin, Gonzalès ; Zermani; Olej; Zatelli, Aznar, Kohut. |
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Vaincre, au stade de la Forge, le Football Club de Sochaux, même par une marque modeste de 2 à 1, est un exploit qui compte. En le réussissant, Marseille a témoigné, vis-à-vis de son rival malheureux à la fois de ses droits au titre de champion qu'il détient et aussi de ses prétentions à se comporter aussi brillamment cette année que la saison passée.
Le match fut aussi émouvant et passionné qu'il est possible de l'imaginer. Il eut, certes, pu fournir un autre résultat ; toutefois, sa régularité ne saurait être discutée et la victoire a récompensé celui des deux rivaux qui possède la meilleure maîtrise, la plus grande volonté de briller.
Il n'y a pas deux équipes de grande classe en France dont la façon de jouer soit plus dissemblable. Sochaux progresse par passes courtes, mais précises, feintes, dribbles, et cherche à ne shooter qu'à coup sûr. Marseille ne s'embarrasse d'aucune subtilité, frappe la balle fortement et possède un style fruste d'aspect, certes, mais plus direct et plus athlétique. Jamais meilleure occasion de constater cette opposition de méthode ne fut offert qu'au cours du match joué aujourd'hui sous la direction énergique de M. Leclerq. Les tenants de la Coupe n'ont en rien modifié leur façon d'opérer, quoique l'inclusion de Fascineck dans leur ligne d'attaque tende à accentuer, heureusement, la recherche de l'efficacité et du résultat. Mais leur obstination, si soutenue soit-elle, finit par s'émousser quand le succès se refuse un peu trop longtemps à répondre à ces efforts.
La finesse et la précision sont de grandes qualités ; cependant, avec une telle méthode, une seule erreur d'un bon joueur, une seule médiocrité parmi les onze partenaires suffisent à dérégler la meilleure équipe.
Marseille est bien d'adversaire le plus à redouter pour Sochaux et l'a prouvé. Sur le rideau de ses défenseurs et devant le brio de Vasconcellos, les descentes des "bleu et or" se brisèrent comme le font les lames sur les rochers de la Corniche. Nettement placé en flèche, Zermani, Zatelli et Kohut n'avaient à se préoccuper que de foncer droit sur le but adverse. Ils attendaient toujours les passes longues et aériennes et savaient en tirer tout le parti possible. Pour tout dire, Sochaux continue d'appuyer ses méthodes de jeu à celles des Centraux, et Marseille demeure sous l'influence, incomplète mais certaine, de nos amis d'outre-Manche.
Je garderai le meilleur souvenir de la première mi-temps jouée à une allure particulièrement vive. Pendant les 45 minutes initiales, l'admirable précision des Sochaliens jeta l'inquiétude à tout instant et de tous côtés parmi les Marseillais. Mais la rapidité d'action et la décision des champions les sauvèrent. Les rapides descentes de Kohut et de Zermani prouvèrent le danger qu'il y a à ne songer qu'à l'offensive. Elles eurent, pour premier effet, deux coups de pied de coin. Sur le premier, alors que Di Lorto effectuait la remise en jeu, la balle ricocha sur Cazenave et Zatelli l'expédia dans le coin du filet, à la 19e minute du match.
Le second coup de pied de coin faillit aussi être grave, puisque Di Lorto bloqua la balle derrrière sa ligne ; mais une faute avait été sifflée, et il fallut attendre la 36e minute pour que Sochaux égalisât, sur une pase de Gougain, et grâce à un shot placé de très près par Fascineck.
On ne pouvait espérer, on n'osait souhaiter une seconde mi-temps à la fois aussi belle et aussi riche en leçons pour les 10.000 sportifs présents. La suite du match, si elle perdit en netteté, et elle subit l'effet naturel des efforts du début, n'en demeura pas moins intéressante. Les phases émouvantes, loin de disparaître, furent fréquentes. La cadence, du jeu n'était plus la même, la recherche du résultat était aussi âpre. Le but décisif fut réussi par Aznar, sur une passe de Zatelli. Par la suite, si Marseille fut près d'augmenter son avance et échoua -un shot de Zermani heurtant un poteau- Sochaux fut sur le point d'égaliser quand, trois fois coup sur coup, des tirs de Courtois, Fascineck et Abeggen heurtèrent des partenaires de Vasconcellos, qui était à ce moment à terre.
Entre les deux gardiens de but, lesquels effectuèrent l'un et l'autre de brillants arrêts, le contraste fut grand. Vasconcellos, avec sa souplesse caractéristique, se mit souvent en évidence, et ses dégagements puissants secondèrent grandement son camp. Di Lorto, à cet égard, fut moins heureux. S'étant sans doute rendu compte de sa faiblesse de coups de pied, il passa le plus souvent la balle à la main ; pareille façon de faire s'explique dans le feu de l'action mais ne peut être érigée en système sans péril, et on l'a bien vu cet après-midi.
L'opposition des méthodes entre les deux clubs est plus nette encore, si on ne compare pas seulemetn les gardiens de but, mais les demis-centre. Szabo approvisionna en passes très précises ses partenaires, et son activité comme sa compréhension du jeu plurent grandement. Mais combien Bruhin, plus simple et plus fruste, lui apparaît supérieur. Le demi-centre marseillais est, suivant l'expression britanique, une "tout de puissance" ; son efficacité défensive neutralisa Courtois de façon à peu près complète ; ses longues passes trouvèrent le plus souvent un coéquipier éloigné et bien placé pour une contre-offensive.
Avec ces joueurs, il convient de signaler, parmi les Sochaliens, Cazenave pour sa finesse, Fascineck, footballeur complet, Abegglen, toujours actif, et pour quelques exploits de football pur, Korb.
Chez les Marseillais, on remrqua, dans un ensemble de plus en plus soudé,
Bastien, Zermani, Zatelli, Kohut et Aznar. Signalons enparticulier, les
progrès accomplis par ce dernier joueur, et souhaitons -lui, de songer
toujuors, comme il le fait actuellement, à mettre en vedette ses meilleurs
partenairs, quitte à tenter sa chance quand l'occasion s'en offre. |
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